Ce mardi 14 novembre, se jouait une nouvelle représentation de la répression ordinaire du mouvement social au tribunal de Bayonne. Si l’après-midi s’annonçait chargée avec des affaires courantes à expédier, des détenu.es à renvoyer en cellules, des prévenu.es à amender et autres routines de magistrat.es, le collectif s’intéressera dans ce compte-rendu d’audience au jugement d’une manifestante suite à son interpellation après une manifestation contre la réforme des retraites. Il lui est alors reproché un refus de donner sa signalétique et une résistance avec violence à une interpellation.
U. est interpellée le 23 mars 2023 alors que la manifestation du jour à Bayonne est sortie du cadre classique et a un peu bousculé l’ordre des choses. Elle ne sera pas la seule a passer du temps en GAV ce jour-là (iels seront 5 selon nos informations) mais c’est elle qui finit sur les bancs du tribunal. Pourtant, à l’écoute du récit de la journée par le procureur, c’est une bonne dizaine de manifestants qui aurait du être jugé pour les faits commis ce jour-ci. Mais voilà, seule U est là. Parce que la police n’a pas retrouvé tous ces individus masqués ? Parce que les preuves concernant les quelques personnes ramassées par la marée chaussée auront été trop faibles ? Ou bien parce que U est la a refusé de donner sa signalétique, refusant par là la logique des choses ? Nous avons notre petite idée sur les questions…
Ce procès sera d’ailleurs l’occasion pour le procureur de contester cette attitude de U. Celle, qui selon lui, correspond exactement aux guides de défense diffusés par les organisations responsables des violences en manifestation. Pourtant, se défendre est un droit, résister à la justice en est un et n’en déplaise aux magistrats, ne pas rentrer dans leur jeu en est un également.
Pour le procureur donc, U. nie tout, clame son absence, son incompréhension, refuse de signer les PV, refuse de donner sa signalétique, bref fait du mauvais esprit.
Il suffisait pourtant de tendre l’oreille quand U. parlait afin de ne pas sortir ces énormités. U. durant toute l’audience affirmera qu’elle était à la manif, témoignera qu’elle a essayé d’obtenir des informations sur une personne entrain d’être interpellée afin de prévenir des proches (premier réflexe à avoir) et justifiera sa non-signature des PV par le fait qu’elle n’a jamais été mise au courant de son placement en GAV. Dur de la feuille, de mauvaise foi ou simplement coincé dans son récit ?
Mais ce procureur nous donnera une autre occasion de nous faire une idée sur sa compréhension de la situation. Selon lui, la police est intervenue directement lors des violences commises, se jetant sur le groupe violent et réalisant alors des…contrôles d’identité sur les dangereux malfrats en noir. Quelle scène incroyable ! Notre petit doigt nous dit que monsieur le procureur n’a pas mis les pieds en manifestation depuis un petit moment et, malgré son jeu d’acteur, nous ne tomberons pas dans le panneau.
Mais, ne nous focalisons pas sur le procureur, celui-ci n’était pas le seul acteur de ce procès. La juge a eu elle aussi sa place. Celle classique de la meneuse d’interview. Elle rentrera très vite dans son rôle en rappelant vertement à U. de ne pas couper son collègue procureur alors qu’il balance son tissu de paroles.
Par la suite, elle cherchera tout au long de l’audience à faire rentrer U. dans le personnage attendu : une manifestante énervée qui s’en prend violemment à un policier. Ce récit colle alors à ce que les policiers décrivent tout au long de leurs PV…qui pourtant se contredisent comme le montrera l’avocate de la défense lors de sa plaidoierie.
La juge cherche donc à amener U. à répondre que oui elle était énervée pour ensuite dire que on énervement peut entrainer un comportement violent.
Mais qui pour croire à la version officielle donnée par les flics ? Qui pour croire qu’un motard équipé, avec des collègues aux alentours se serait fait aggriper par U. et n’aurait pas réagi ? Qui pour croire que U. aurait pu partir tranquillement de cette scène ? Pas l’avocat de la partie civile qui ne semble même pas croire à la version de ses clients policiers au vu de sa plaidoierie qu’il balance en 45 secondes chrono (merci camarade ?) Alors, la justice peut-être ?
Mais sur quelles preuves ? Celles de la police peut-être… Et pourtant, celles-ci sont maigres, des images issues des caméras de surveillance et qui montrent U. à quelques mètres des policiers pendant une interpellation. Si U. s’était agrippée à l’agent, nous pouvons être sûrs que les images auraient été ajoutées par les collègues de la victime. Alors que nous disent ces images ? Que U. était présente. La belle affaire, celle-ci ne le nie jamais durant toute l’audience.
Face à des faits qui ne correspondent pas exactement à ce que la juge (et le procureur) veut entendre, on en arrive aux questions de personnalité. Cela durera bien moins longtemps que l’interrogatoire sur les faits. U. a des « qualités intellectuelles » et on s’arrêtera là. Si nous pouvons nous féliciter que la justice ne juge pas sur le profil de la personne, ce serait tellement mieux si chaque accusé.e avait le droit à ce type de traitement. Malheureusement, on passe régulièrement du temps à éplucher les passés des accusés, à questionner leurs ressources financières quand celles-ci sont faibles, à interroger leurs vies familiales quand celles-ci ne correspondent pas au modèle dominant.
Le procureur finira par requérir du sursis, ainsi que des dommages pour les bleus. La décision doit intervenir dans la semaine afin de laisser le temps de juger les nullités plaidées et le fond du dossier.
De notre côté et en écho à la dernière prise de parole de U., nous ne pouvons que faire le constat de la nécessité d’une défense collective face aux récits policiers qui semblent bien trop favorablement acceuillis par la justice.
Nous vous invitons par la même occasion à nous contacter en cas de problèmes avec la police, la justice. La solidarité est un soutien !